SANS DESSUS......DESSOUS.......



Lorsque j'ai ouvert la porte, tu lisais, étendu nu sur le lit. Je n'apercevais que tes doigts alignés sur le fil de la reliure : sagement regroupés comme des oiseaux prêts à migrer.J'imaginais ta nuque nichée dans les rondeurs duveteuses des oreillers, ton visage grave et ton regard de partance.

 Je me suis avancée vers toi en silence ; presque cérémonieusement. Je crois que c'est l'aura de mon parfum qui a trahi ma présence. J'ai vu le livre s'abaisser lentement puis choir brutalement sur le plancher et je me souviens encore de ton expression sidérée me découvrant juchée sur de hauts talons, le visage masqué par un loup et la taille ceinte d'un porte jarretelles hissant haut sur la cuisse le voile noir de bas à couture .

 Derrière mon loup, j'épiais ton souffle émietté...Tu semblais intrigué de me voir ainsi : enveloppée de mystère et de silence. Tu as voulu m'attirer à toi mais j'ai esquivé l'irréversible étreinte.

« Chut... Ne bouge pas » t'ai-je alors murmuré.

 Ce soir tu ne pourrais que me respirer et me réinventer derrière mon masque et dans l'interstice des ajours de dentelle.

Cette nuit tu allais être l'objet de mes fantaisies car j'avais fait le pari de t'initier à d'autres dimensions et celui de te convertir à d'autres apesanteurs...

D'évidence, tu acceptais ce renversement des rôles ; visiblement excité par ce jeu nouveau. J'ai savouré avec volupté le tourment de « ton » attente au creuset muet de tous les possibles. A distance,  je me suis rassasiée de toi  ainsi livré : soumis, impatient et curieux...

J'ai bu ton âme et distillé ton cœur  dans cet occulte qui nous reliait : en deçà de la parole, au-delà des mots...

 Q uand je t'ai menotté, une vague de frissons a ricoché sur ta peau et j'ai ressenti tous les fantasmes que cet entrâvement libérait dans ta tête. Paradoxalement, alors que cette soumission semblait être délivrance pour toi, j'expérimentais à la fois la griserie et le lest du nouveau pouvoir dont tu m'investissais.

 Une pulsion carnassière m'a soudain submergée et j'ai eu furieusement envie d'abuser de ton corps, envie de rendre cette machine musculaire esclave de la faim ogresse surgie au creux de mon ventre.

 Mais c'était trop facile, trop fulgurant, trop évident .

Je préférais jouer avec tes sens, je voulais te conduire sur ces sentes parfois méconnues ; souvent méprisées par bien des hommes ...

Tout d'abord, j'ai domestiqué tes épaules fortes pour qu'elles se fassent tendres et puis ton torse fier pour qu'il s'incurve sous le toucher évanescent . Puis j'ai léché tes pieds, sucé tes orteils, ourlé l'aine de tes cuisses, courtisé longuement ton ventre au satin de mes lèvres ; ignorant l'appel aguicheur de cette turgescence qui marquait midi à l'heure de ton envie.

Je voulais t'apprendre ces subtilités épidermiques si étrangères à l'éducation des jeunes mâles...

Dès que  j'ai commencé à te frôler avec cette plume de paon, ton corps a regimbé, nié, rejeté cet attouchement si ténu avant d'en apprivoiser l'agacement mi diabolique mi angélique.

Et j'ai vu un à un les pans de certitude tomber et puis ta chair éclore; bouleversée par cette sensualité discrète et si féminine.

 Tu vivais un autre corps, tu semblais heureux et un peu désemparé aussi en le découvrant multiple, subtil et infini dans la jouissance.

 Nous ne nous sommes pas unis cette nuit là ; nous avons fait mieux : nous nous sommes appris, l'un à l'orée de l'autre.

 Depuis, nous voyageons ensemble sur la gamme bohème des plaisirs mutants.

( Elise )

Mer 3 sep 2008 17 commentaires
Très belle initiation, finalement mutuelle
Thomas Déodate - le 03/09/2008 à 04h34
soumission, domination, un jeu qui doit le rester pour les plaisirs partagés, tu en as fait une tres belle description   bisous coquins 
miss123 - le 03/09/2008 à 06h06
Très joliment contée! on imagine bien ^^

Bises
MademoiselleC. - le 03/09/2008 à 10h33
C'est un long chemin à parcourir avant d'arriver à ce degré de connivence et de complicité, et accepter que l'identité même de mâle disparaisse dans cette ambiguité des rôles.

Pourtant, il est si simple de ressentir ces mêmes délices que l'on réserve habituellement aux femmes, d'accepter que les ressorts du plaisir soient somme toute les mêmes pour les deux sexes.

Dans le mélange des corps et des âmes, l'étape qui élève les amants au rang de couple fusionnel est justement cet instant où l'identité se perd dans cette fusion, où il n'existe plus d'homme et de femme, mais une union où chacun accède à cette gamme de sensations.

Il nous a fallu longtemps avant de franchir cette étape, avant de renoncer au rôle que les schémas nous donnent, et pour profiter enfin de cette extase des sens...

Baisers mutants
Sultan - le 03/09/2008 à 11h22
magnifique récit plein de douceur..on imagine ce moment particulier, atypique, un vrai fantasme..bises a vous deux
coupleamoureux74 - le 03/09/2008 à 12h19
Que c'est joliment dit mais de toi Elise, ça ne m'étonne pas... Bises libertines.
Valmont - le 03/09/2008 à 14h10
Voilà ce que j'adore ici, l'érotisme débordant de votre intimité dévoilée. Que c'est beau !

Merci Elise.
Ile - le 03/09/2008 à 14h41
stif44 - le 03/09/2008 à 16h21
Une belle description, ou le seul "maitre" est le plaisir de l'ame des sens au delà de toute "convention".
De l'amour à l'état pur !
Doux baisers
Lilou - le 03/09/2008 à 19h33
que dire aprés cette réflexion.Nous sommes tous et toutes à la recherche du plaisir mutant,mais nous devons le parcourir en même temps
coralie Gathor - le 03/09/2008 à 21h27