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Elle s’est levée à l’aube, ravie de cette journée de repos qui lui offre l’horizon profilé d’une totale vacuité. Elle savoure déjà ces heures futures qui n’obéiront qu’à son bon vouloir, dans cette liberté qui est réappropriation de soi à soi.
Loin de l’angoisser, cette parenthèse de silence la réjouit comme le retour espéré d’un vieil ami perdu de vue depuis longtemps.
Matinée de langueurs plurielles : long bain tiède, lecture, musique classique, quelques lignes couchés en confidence sur le vélin, ponctuées de cafés à l’arôme brûlant.
Déjeuner frugal suivi d’une petite sieste dont elle bannit le sommeil afin d’habiter la légèreté de ces instants où l’esprit, libre de toute entrave, vagabonde en parfaite autonomie.
Dans l’immédiateté fulgurante, elle ressent à l’intime de sa chair, l’exigence d’entrer en résonance avec son moi jusqu’à n’être plus que cette vibration étourdissante.
Avec une hâte fiévreuse, elle installe le chevalet, puis la toile virginale avant d’ouvrir un
à un tous les tubes de peinture et d’en déposer les couleurs en éventail chatoyant sur la palette.
Ses doigts entrent en sarabande : d’abord l’esquisse légère dans des tonalités terre de Sienne et, de petites touches en amples glissements, le sujet prend forme.
Entres ombres et lumières, dégradés et rehauts, par cette chair tramée au grain du lin, le nu dont elle enfante, s’anime et, déjà, ne lui appartient plus…
L’empreinte de «son» eau de toilette vient lécher les courbes de son cœur et le contact de «son» baiser chaud dans le cou la halent brutalement hors de sa bulle autistique.
Elle entend «son» rire qui se joue d’elle; ainsi prise sur le fait.
Dans un soupir, elle repose ses pinceaux et revient à la contingence temporelle…
Du bout des doigts, il décrypte l’épiderme sibyllin dans une tendre traque de frissons en ricochets.
Elle frémit sous ses caresses avec la sensation d’être devenue l’incarnation de ce nu apparu sur la toile.
Enigmatique, il saisit un long pinceau large et plat, lesté de bleu Outremer. Le voici qui commence à dessiner des volutes s’enroulant en ressac autour du nombril avant de descendre vers le delta pubien qu’il orne d’une fine dentelle ; éphémère parure vouée à des noces païennes.
Yeux clos, elle écoute roucouler sa peau sous la subtilité soyeuse de l’attouchement.
Une coulée de lave l’enflamme lorsque les soies du pinceau effleurent son clitoris avant de s’immiscer, impudiques, entre ses lèvres.
Par un lent mouvement de va et vient, il en taquine la fêlure et courtise en arabesques le renflements du calice féminin qui s’ouvre et exsude de liquoreuses sécrétions.
Son corps se change en houle gémissante et ses bras se tendent dans une supplique qui appelle à la communion l’autre corps; mais ses mains ne happent que le vide.
Lui, reste à distance, poursuivant le supplice avec une application dont la dextérité n’a d’égal que le raffinement.
Furieuse et ravie, elle est à sa merci.
L’homme cisèle cette flânerie sensuelle à travers les méandres intimes jusqu’à la perfection de la touche finale.
Funambule fragile, suspendue entre ciel et terre, elle oscillera longtemps sur le fil tendu d’un plaisir perpétué.
Un glissement sans fin, un feulement, puis un tressaillement de tout son être et elle bascule dans l’extase fauve.
Fier de son œuvre de jouissance, il la ranimera d’un baiser et lui chuchotera, taquin :
« Tu vois, je suis aussi artiste à ma manière ! »
Elise
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