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Gaétan menait une existence conforme à son apparence: rachitique et furtive.
Sa discrétion extrême faisait que nul de ses collègues n'était en mesure de cerner
sa personnalité, hormis les attributs de rigueur, de mutisme et de misanthropie
qui le caractérisaient.

L'homme logeait dans un immeuble séculaire miné par la vétusté. Il y occupait
un appartement sans aucun confort mais qu'il n'aurait quitté sous aucun prétexte,
ce dernier offrant une vue imprenable sur l'entrée, la cour intérieure et les vis à vis.

Au fil des ans, ce qui n'était au début qu'une simple distraction pour Gaétan, s'était
commué en une véritable addiction : dissimulé derrière les rideaux, il surveillait sans
relâche les déplacements de tous les locataires.
Ainsi, rien ne lui échappait de son voisinage.

Retranché dans son bastion, Gaétan épiait les palpitations du monde extérieur;
se nourrissant de la quintessence de la rumeur au sas des murs...
Bizarrement , il ne ressentait pas la solitude: ces parcelles de vie capturées
-et parois même volées- il les faisait siennes et cela remplissait sa vie d'une joie
étrange...
Ainsi vivait -il : visitant la vie plus que celle ci ne le fréquentait.

Tel un chasseur à l'affût, il connaissait parfaitement les habitudes et moeurs de
ses voisins et les consignait  minutieusement dans un carnet de bord qu'il gardait
au secret comme une relique.
Gaétan éprouvait un sentiment de  puissance au point parfois d'en oublier la faim
et le sommeil.

Mais voici que depuis deux semaines, il enrageait;  faute de pouvoir attribuer une
identité à la belle jeune femme qui venait d'aménager juste en face .
Aucun nom ne figurant sur la boîte aux lettres qui lui était affectée, Gaétan, fort
dépité, l'avait répertoriée sous l'intitulé " Mademoiselle X".
Ce défaut d'étiquetage si peu conforme et à l'espèce humaine et à la société
 l'irritait au plus haut point en même temps qu'il exaltait son imagination....

Dès lors, dès le lever et aussitôt rentré de son travail, il n'eût de cesse
d'épier les pas de cette énigmatique voisine; se couchant à des heures indues
et se relevant souvent en pleine nuit pour guetter le moindre mouvement de
 l'étrangère.
Contre toute attente, un soir d'hiver,son obstination se trouva récompensée par
un spectacle de choix: devant ses yeux incrédules, la belle se livrait à
un savant effeuillage. Sa silhouette gracile et superbe se découpait dans                                          l
l 'embrasure d'une fenêtre violemment éclairée comme par provocation.

Médusé, Gaétan ne perdait pas une miette du show : subjugué par le déhanchement
lascif, l'art consommé de sa voisine pour se dénuder avec une voluptueuse lenteur et,
peut être plus que tout, la façon qu'elle avait de caresser ses seins, ses reins ,
son ventre et ses cuisses : tous les ingrédients étaient réunis pour embraser la virilité
du voyeur concupiscent.

Gaétan s'appropria la femme: d'abord d'un regard prédateur puis très vite son instinct
animal prit le dessus et lui dicta les chemins du plaisir jusqu'au nirvana...

Et " Cela" arriva d'un seul coup; comme une déferlante accompagnée de chaleur,
de sueur, de tremblements et d'ivresse profonde.

Ce n'est que plus tard.... bien plus tard, qu'ouvrant la paume de sa main droite encore
engluée d'alluvions blanchâtres, Gaétan réalisa qu'il venait enfin de connaître son
premier orgasme...

Le lendemain matin, dès le lever, il écrivit triomphalement à l'encre rouge sur son
carnet de bord la formule sibylline :

" Franchi les quarentièmes rugissants "

Lui seul en connaissait le véritable sens mais il n'en était pas moins fier ...


Elise

 

 

 

 

 

 

 

 
Mardi 12 juin 2 12 /06 /Juin 02:16
- Par ELISE ET MARC - Publié dans : elisetmoi
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