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Elle lisait, recroquevillée dans ce vieux fauteuil qui, sous le poids des ans et celui des séants conjugués, s’était subtilement affaissé en offrant un nid d’exil pour qui se perdait entre ses bras de velours élimé.
La radio distrayait le silence lorsque la voix d’Yves Montand la détourna de sa lecture en venant susurrer à son oreille.
‘’Mais la vie sépare ceux qui s'aiment
Tout doucement, sans faire de bruit… ‘’.
Elle posa le livre sur ses genoux et le referma, parfaitement démunie et définitivement fragilisée.
Elle regarda ses mains amaigries et ses paumes creusées : le temps fuyait entre ses doigts, volatile et grave à la fois : une sorte de maléfice distillé au fil des jours et qui ne révèle son poison qu’à l’automne de la vie…
Elle se dirigea vers l’antique secrétaire dos d’âne au chevet duquel elle avait pris l’habitude de rédiger sa correspondance.
Elle en ouvrit l’abattant et sortit délicatement de l’un des tiroirs une feuille de vélin jauni, prit son stylo - plume et huma longuement de l’odeur d’encre qui s’en échappait.
Il fallait absolument qu’elle lui écrive : là, sur le champ, dans cette urgence qui désorganise le temps..
Ecrire avant qu’il ne soit trop tard,
Calligraphier l’amour en pleins et déliés et en coucher l’ombre penchée sur le papier.
Ces mots, elle les avait souvent murmurés au creux de son épaule et même criés dans l’élan passionnel sans jamais en épuiser la force ni le sens profond.
Tout se bousculait dans sa tête, tout débordait de son corps au point qu’elle ne savait plus comment engager cette lettre…
Elle restait ainsi, immobile, face à cette feuille blanche bien trop petite pour contenir les débordements de l’âme et bien trop plane pour endiguer les ricochets du cœur.
Toute cette effervescence qui lui engrossait le cœur, il lui était impossible de l’encager au lacis des lettres, dans des mots chétifs et ridiculement étriqués…
Alors, elle coupa une mèche de ses cheveux et l’enroula délicatement dans la feuille de vélin sur laquelle elle vaporisa l’aura de son parfum. Elle glissa le tout dans une enveloppe qu’elle prit soin de sceller par un cachet de cire avant de la ranger dans ce tiroir jusqu’à ce qu’il la découvre un jour, par pur hasard ou plus tard ; fatalement…
Elle n'avait rien écrit
Pourtant tout était dit …
( Elise)
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