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Chaque année, lorsque les jeunes vins fruités aux couleurs rubis viennent réchauffer les frimas d’automne, nous ne manquons pas de célébrer Bacchus lors d’un dîner en amoureux.
Tandis que nos verres s’entrechoquent en ravivant dans un bruit cristallin le souvenir de l’été, je repense immuablement à cette première fois ; notre première fois.
Tu m’avais invitée dans ce restaurant romantique et notre table était judicieusement placée devant une grande cheminée où, dans un boléro d’escarbilles rougeoyantes, dansait un feu passionnel.
Nous avons longuement parlé ce soir là …
La proximité du foyer rosissait mes pommettes et la chaleur de l’âtre réchauffait autant mon corps en dormance que mon cœur en hiver.
Tu m’as servi un verre de vin : celui ci était charpenté et les premières gorgées m’ont fait un peu tourner la tête.
Etait ce l’ambiance, la chaleur, l’alcool, la promiscuité d’un tête à tête inaugurant une intimité naissante ou bien tous ces éléments conjugués qui nous ont fait glisser vers la délivrance ?
Ce soir là, nous nous sommes confiés dans des souffles, des murmures et jusque dans ces silences lorsque le regard prend toute la place…
Je sais simplement qu’il existe des moments rares, des moments « parfaits » qui se cueillent ni trop tôt, ni trop tard, mais à l’apogée éphémère de leur maturité plénière..
Et ce soir là nous avons vécu cet instant fragilisé qui fissure les souvenirs,
chasse les craintes et libère l’envie de croire et donc d’espérer.
Le vin a fini par m’apprivoiser à toi dans cette délicieuse euphorie qui gomme la peur, trouble l’âme et insuffle de l’émotion dans la chair…
Il faisait très froid dehors, il faisait très doux en moi…
Je me souviens de ta main réchauffant timidement mon dos à travers l’épaisseur du manteau et plus tard de ma tête étrennant le creux de ton épaule…
Je me souviens de notre premier baiser d’alors : un baiser pur comme un flocon de neige fondant sur nos lèvres puis de mes bras comme pour nouer de la tendresse autour de ton cou…
Depuis tous ces mois que nous nous connaissions, je te découvrais « autre » : tendre, fragile et si émouvant.
Blottis l’un contre l’autre comme deux oisillons démunis tu as relevé ton pull et tu m’as demandé dans un souffle qui ressemblait à un vœu de caresser ton torse…
Ainsi, mes mains ont ré-ensemençé sur ta peau d’exil le velours d’un effleurement et la mémoire des consolations d’enfance.
Sauras –tu jamais combien j’ai été bouleversée par cette offrande que tu me faisais de ce « toi » sur l’instant : amnésique du vide, oublieux du chagrin, convalescent de la souffrance.
Sauras-tu jamais cette chance donnée à mes mains de reprendre vie et sens
par la caresse.
Sauras-tu jamais le bonheur de renaître par toi dans l’oubli des violences anciennes et la guérison de ces ecchymoses au coeur…
Aujourd’hui, Bacchus joue encore les échansons pour emplir (raisonnablement) nos verres et, si son breuvage nous incite plutôt à philosopher avec légèreté, je reste convaincue que le vin favorise le champ de tous les possibles car, comme disait Erasme, il est « la caverne de l’âme »…
(De manière plus prosaïque on peut se risquer à affirmer que le vin n’est pas vain ! )
Elise
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