SANS DESSUS......DESSOUS.......

 petite fille

( Photo prise sur le net )

 

 

Premiers frissons

 

 

J’étais une petite fille- enfant unique- éduquée selon trois règles absolues : obéissance, discipline et silence.

Des parents affectueux - je n’en doute pas - mais ne sachant exprimer cet amour qui fait grandir, donne confiance et rend libre. Peut être par pudeur, par peur ou tout simplement à l’image de leur propre jeunesse rugueuse, trop tôt plongée dans un labeur qui harassait tellement les corps qu’il ne restait plus de place pour les mots …

 

J’avais environ huit ans. C’était un bel été barbouillé d’azur et gorgé de ce soleil dont l’ardeur fait chanter les cigales plus haut que le ciel.

 

Pour distraire ma solitude, ma mère me gratifiait parfois de quelque menue monnaie. Sur un ton solennel elle ne manquait jamais de me rappeler les vertus du travail et celles de l'épargne.

A son grand désespoir je dilapidais les précieuses pièces dans l’achat de petites douceurs caramélisées ou pralinées. J’ignore encore si ce comportement gourmand servait de palliatif ou bien s’il signait là une forme de rébellion à l’encontre de tous les interdits corsetant mon enfance.

 

La boutique était tenue par un homme dans la cinquantaine. Je n’ai jamais su s’il était célibataire ou veuf mais c’était toujours lui qui, derrière le comptoir, m’accueillait avec un sourire aussi doux que ses confiseries et ne manquait jamais de m’offrir quelques bonbons en surplus.

Ah ! Il m’avait ‘’ à la bonne ‘’ comme on dit et la gamine que j’étais jubilait devant cette générosité frauduleuse.

 

 Cet après midi là, je portais la petite robe blanche impeccablement repassée et amidonnée que maman ressortait de l’armoire aux lavandes chaque fin de semaine. C’est ainsi que, louvoyant à travers les rares découpes ombrées des maisons, rasant les murs à la fraîcheur égoïste, je suis retournée dans le fameux  magasin aux délices…

 

Cette fois là, l’homme m’a donné le privilège de découvrir l’arrière-boutique : antre féerique où s’opérait la conversion magique du sucre en merveilles empapillotées d’or et d’argent.

Et la petite fille d’alors n’avait pas le regard assez grand face à cette profusion multicolore de confiseries débordant des bocaux comme autant de cornes d’abondance qui déversaient des parfums de vanille, de fraise et de chocolat dans une ivresse aromatique.

 

Comme à l’habitude, le commerçant m’a offert un bonbon aussitôt soumis à l’appréciation de mes papilles tandis que je le regardais s’agenouiller devant moi et me sourire avec une espèce de tendresse aussi inhabituelle qu’incompréhensible. Alors, sans me quitter du regard, l’homme a posé ses deux mains sur mes genoux et s’est mis à remonter lentement à l’intérieur de mes cuisses pour venir caresser le fond de ma petite culotte tandis que d’un index doux et autoritaire à la fois, il massait à travers le coton le sillon de mon entrejambes… 

Je me souviens de mon cœur battant à tout rompre et de ce petit corps  prisonnier, effaré et pétrifié en même temps.

A la faveur de l’entrée d’une cliente, le carillon de la boutique a tinté et l’hypnose s’est aussitôt dissoute dans les notes cristallines.

Alors j’ai fui à toutes jambes et couru, le cœur au bord des lèvres, sans me retourner jusqu’à la maison.

 

Je n’ai rien osé dire à mes parents, rien osé leur confier de ma mésaventure

tant je me sentais coupable…

Je ne sais quel prétexte j’ai pu inventer par la suite pour ne plus retourner dans cette boutique.

Ce n’est que plus tard, après bien des nuits agitées, que j’ai livré le secret à ma mère, laquelle a bien voulu m’écouter mais les choses étant dites,l’incident fût considéré comme clos.

La chape de silence retombait : on tournait cette page ; définitivement !

 

Je suis restée de longs mois dans la plus totale confusion, écartelée entre un sentiment de péché et gagnée par ailleurs par ce trouble sournois que je m’évertuais à nier lorsque ma peau bouleversée se souvenait de ces premiers frissons là.

 

Il m’a fallu bien des années pour exhumer cette scène de ma mémoire et bien des mois encore pour l’accueillir, en accepter la réalité et pouvoir la revivre dans toute son ambiguïté. 

 

Tout cela est bien loin…

Consciente d’avoir vraisemblablement échappé au pire, je peux aujourd’hui évoquer sereinement ce souvenir et même éprouver (au risque de choquer) une certaine indulgence pour cet homme qui, sans le savoir, a fait vibrer mon corps pour la première fois…

 

 

Elise

 

NB : Cette expérience pour rappeler à nos enfants et dès leur plus jeune âge que leur corps leur appartient et que jamais, ils ne doivent laisser à un adulte quel qu’il soit, le droit d’en user et pis encore d’en abuser !

 

Lun 22 nov 2010 9 commentaires

Un recit qui , aux cours de mes nuits blanches, me laisse tres perplexe, il est vrai.

Finalement, je crois qu'il est bon pour toi que ce terrible souvenir ne soit pas devenu pour toi, au fil des années encore pire que ce qu'il n'etait deja . Bonne nuit a vous deux . Bisous

Marie - le 23/11/2010 à 01h38

Ton histoire est aussi émouvante dans la manière où tu l'évoques de par ton expérience personnelle, que révélatrice dans ce qui se passe sans doute dans la tête de ces enfants agressés, l'antinomie de la sensation d'agression, et sans doute parfois le trouble qui les envahit et "fausse" leur jugement innocent... Et les empêche d'en parler, voire de l'exorciser, d'y mettre des mots et de véritables explications y compris pour les plus glauques... Reste un texte très fort de ta part, qui montre aussi que quelque part tu restes la petite fille de ton enfance, nous restons tous de grands enfants je crois...

Moi par exemple mon premier baiser fut avec ma cousine, on devait avoir une dizaine d'années tous les deux, et les jeux qui vont avec et qui ont suivi ensuite... Eh bien quand j'y repense, j'ai très exactement le goût de sa langue qui m'est resté, intact, tout comme les émotions de ce jour-là, qui ont sans doute conditionné les autres de toute une vie, que je recherche d'ailleurs toujours autant à travers mes amours d'adultes... Peut-être à la recherche du goût "perdu", passé, sourire...

Valmont - le 23/11/2010 à 08h52

Oubli, pardon...

Baisers à toi, amitiés à Marc.

Valmont - le 23/11/2010 à 09h00

Merci et Bravo, superbe blog tres belle lectures et les photos sont vraiment de qualitées. bonne continuation,

@bientot

bize

Sabrina et Eric de plasirsdesdeux.com

Sabrina et eric - le 23/11/2010 à 18h35

Je me doutais bien qu'au fil des lignes, il allait se passer quelque chose ...

Tu n'es pas passée loin du pire comme tu dis, et ce moment qui aurait pu s'avérer plus traumatisant t'a laissé étrangement, un certain émoi ...

Comme le raconte Valmont, nos souvenirs masculins sont souvent peuplés de cousines, ce qui a été également le cas pour moi !

D'autres émois, très délicieux ....

Bisous Elise.

Philo - le 23/11/2010 à 22h21

Difficile de porter un regard neutre sur ton émoignage, prise entre notre sensibilité de maman et celle d'ancienne petite fille aux émois aussi éprouvés mais, comme toi,  pas peturbée aujourd'hui de cet état de fait ...Des souvenirs non violents et à ce moment là, aucun sentiment de culpabilité ...Peut etre ce qui aide ..Peut etre meme ce qui m'a toujours aidée ...

On ne peut que remercier de s'en etre bien sortie et souhaiter que ce soit, pour toutes, ainsi !

chilina - le 23/11/2010 à 22h50

C'est dur Elise, de lire ces chose,  quand on est le père de deux filles qu'on aimerait pouvoir préserver contre toutes ces attaques qu'on sait susceptibles de laisser des marques indélébiles sur la vie qui sera la leur ensuite. D'un autre côté, c'est  peut-être l'aventure du marchand de bonbons qui forge cette armure que l'on nommera l'expérience et qui permet aux jeunes filles d'éventer ensuite des pièges bien plus dangereux. En tout cas tes mots expriment toujours les sentiments avec  une précision extrême. Bravo.

Bisous doux, Fred

 

Fred - le 24/11/2010 à 01h05

Un récit non littéraire, non fantasmé, à l'inverse de ce que souvent l'on trouve sur cette toile! Chez Toi Elise une tranche de vie, une expérience vécue qui porte des traces... Je ne sais que dire devant ce courage à l'avouer humblement sans fanfare ni clairon. Est-ce pour Toi le fruit d'une guérison réelle ou le fait de vouloir cicatriser une plaie encore ouverte qui parfois se met à saigner et te fais souffrir en ton sommeil... Oui je ne sais, ne le saurai jamais, mais cela n'a aucune importance le principal étant que maintenant tu sois heureuse avec Marc, le veilleur de tes heures, de ton sommeil aussi... Votre bonheur vous appartient, il est VIE!

Merci pour ton petit mot et tes passages réguliers en mes pages... Ce n'est pas une obligation tu sais, d'ailleurs nombreux "feu" ou faux "amis" l'ont déjà compris... Le virtuel ce que, contre quoi je suis toujours en rage! Et je ne changerai pas... Mais chacun(e) a le droit ou pas d'apprécier même si ce n'est pas concrétement, mais virtuellement, son prochain!

Bonne journée à vous deux...

MICHEL - le 25/11/2010 à 07h27

terrible hisoire quand celle-ci est occultée par les autres et surtout par la famille

niccog - le 26/11/2010 à 13h39