SANS DESSUS......DESSOUS.......

 

Inconnu du palace

 

Il venait de la joindre et lui proposait un de ces rendez vous impromptus qu’elle affectionnait tout particulièrement. Cet imprévu surgi de la grisaille hivernale avait quelque chose de magique qui déclenchait en elle ce chavirement sensuel lié tout autant à la surprise qu’à l’excitation de le revoir.

 

Juste une petite heure devant elle, à peine le temps de se mettre en beauté avant d’aller le rejoindre au bar de ce palace.

Une douche, quelques mèches roulées pour faire cascader en volutes auburn sa longue chevelure ,

un léger maquillage soulignant le vert de gemme de son regard suivi par  le choix monochrome du noir : escarpins à haut talons, bas à couture, petite robe de cocktail et pour touche finale: un voile de parfum .

Un ultime contrôle dans le miroir lui renvoya l’image d’une mise à la fois simple et chic.

 

Le groom de faction s’effaça pour ouvrir la lourde porte verre et or débouchant sur un vaste hall d’entrée dont le sol de marbre brillait de mille feux. Elle n’aimait pas cette immensité dont l’opulence ne parvenait pas à dissiper la sensation de vide et de froid.

Elle trouva assez facilement le bar et s’installa sur une banquette , un peu en retrait.

Par son style cosy et l’ambiance feutrée qui y régnait, la pièce était un petit cocon chaud dans cette nuit de glace.

 

Sagement , elle guettait l’apparition de son amant lorsque son portable se mit à vibrer.  Elle apprit qu’il était bloqué dans l’un de ces embouteillages dantesques dont on ne peut estimer la durée.

Bien que contrariée, elle le rassura : elle patienterait le temps nécessaire.

 

Les minutes s’étiraient à l’infini et seule, la musique jazzy du piano parvenait à agrémenter l’attente.

 

Une voix masculine la tira brusquement de cet engluement cotonneux.

Depuis toujours, elle était particulièrement réceptive à la tessiture des voix et cette tonalité grave et veloutée la bouleversait encore plus ce soir.

A la faveur de l’éclairage tamisé, elle se pencha discrètement afin d’en identifier le propriétaire dont elle  entrevit le profil d'aigle et la chevelure sombre.

Elle l’entendit passer commande d’un Morlach 1938  et, bien qu’ignorante de la nature du breuvage, elle comprit à l'expression déférente du barman qu’il s’agissait d’un alcool précieux.

Sans plus attendre, l’homme marcha dans sa direction . Haute silhouette aristocratique , visage d'une ressemblance troublante avec l’acteur Sami Frey : somme toute, un très agréable voisinage !

 

Après un hochement de tête courtois, il s’assit  à deux mètres, juste en face d’elle. Elle lui rendit timidement son salut et lampa une gorgée de champagne afin de se donner contenance, maudissant cette hâte par laquelle  elle avait oublié l'un de ces livres qu’elle faisait habituellement suivre dans son sac.

 

Dans le fauteuil en vis à vis , l’homme dégustait le vieux whisky tout en lisant un journal étranger. 

 

Inexorablement, le temps s’enfonçait dans la nuit sans que rien en apparence ne vienne troubler la quiétude ouatée du lieu. Rien, excepté cette  fièvre obscure qui la prenait peu à peu  et qu’elle attribua à la longueur de l’attente …

 

Maintenant : il fallait qu’il arrive !

 

Elle n’osait lever les yeux en direction de l’homme, par crainte de ne pouvoir dissimuler l’attirance magnétique qui la consumait.

 

L’inconnu avait replié son journal et  la regardait dans un curieux mélange de réserve et d’insistance…  Et cette manière ambigue de la dévêtir ainsi, de la pointe des cils, était des plus démoniaques.

 

Une petite sueur traîtresse se mit à perler entre ses seins et dans le creux de ses reins. Elle reconnût alors ce corps baissant la garde lorsque le désir ténébreux bouleverse la peau et entaille la chair. 

 

 

                                                                               ( Elise)

 

( A SUIVRE ...)


Mer 15 déc 2010 5 commentaires

feeling.... Comme cette musique va bien avec ce texte !! La rencontre imprevue aura t'elle une suite ??  bisous 

Marie - le 15/12/2010 à 09h16

Hum… quel texte exquis, quelle délicieuse façon de nous raconter la montée du désir, jusque dans les détails raffinés…

Vite, la suite !

Salinger - le 15/12/2010 à 17h07

Samy Frey; un bon goût qui ne me surprend pas venant de toi chère Elise; je suis impatient de lire la suite car nous jouons là un peu dans la même cour!

plein de tendres baisers

peter

peter pan - le 15/12/2010 à 17h29

Quel beau texte, vivant, et quel beau fantasme de femme exprimé avec justesse, ce genre de situation arrive parfois (femme ou homme), et c'est insoutenable, je me souviens d'une scène ainsi avec l'officier dans "Eyes Wide Shut", ou l'héroïne (Nicole Kidman) est heureuse, soulagée, le matin, que l'officier soit parti, déçue aussi au plus profond de sa chair, et ce sentiment dure longtemps, ce sentiment de regrets,

baisers à toi, amitiés à Marc.

Valmont - le 16/12/2010 à 14h53

A ma connaissance, «  Feelings » , crédité au départ comme oeuvre de Morris Albert, a été reconnu comme une contrefaçon de « Pour toi » de Loulou Gasté, et mon esprit rêve de « l'amant officiel » tapi dans l'ombre, qui aurait ainsi offert ces « feelings » troublants, en se dévoilant ensuite pour chuchoter à sa douce : « Pour toi, mon coeur ».

 

J'ai du mal avec les histoires de désir adultère où un homme sûr de sa classe et de son charme use de son assurance à distance pour susciter le désir chez une pauvre petite femme timide prisonnière de la situation, ça fait tellement cliché et ça peut tellement faire de mal dans un couple, que mon esprit se cabre instinctivement à cette évocation. C'est ma faiblesse, je l'avoue, d'autant plus que tes mots décrivent avec minutie les sentiments intérieurs en les rendant extrêmements présents, crédibles.

 

Mais j'ai aussi la faiblesse de croire, d'une part que vos récits sont authentiques, d'autre part, que dans un couple, ce n'est pas tant la force de caractère dont fait preuve l'un ou l'autre pour résister à la tentation, mais la qualité de la relation et de la communication, qui mesure la solidité du lien, alors j'attends la suite, qu'elle révèle un tendre traquenard ou une aventure, avec toute la pauvre ouverture d'esprit dont je me sens capable.

 

 

Pomelo - le 16/12/2010 à 21h06